Laurent Grison | France

Rimbaud  

tu inclines la nuit 

souffle de gloire vague 

qui remue dans ton crâne 

et emporte la lune 

au loin au très loin 

l’onde et la violence même 

libèrent l’utopie des couleurs 

dans l’enfer d’une saison 

qui ajoure l’amer désir 

d’un orage de signes 

quand l’alchimie du livre 

brûle la poussière 

de l’œil ouvert au clin 

des nuées déjà et d’ores 

hurlent en un laps 

crescendo et fugue et trille 

les voyelles affranchies 

de tout mètre 

accélèrent sans fin 

le rythme des mondes 

tu ouvres le temple antique 

à la voix du rêve 

qui jouit d’une guerre primitive 

dont les mots dits 

narguent l’échelle fendue 

des hommes de naguère 

gras comme des idoles 

engluent tes semelles de vent 

sur les berges du fleuve 

qui noie le bateau ivre 

tu transgresses la règle du jeu 

dans la révolte des cadences 

qui arme la jambe du soldat 

et projette l’ombre ultime 

des lettres illuminées 

tu serres dans tes poches 

des cartes ici pliées là déchirées 

de Charleville Bruxelles ou Aden 

à la recherche du poème 

du poème inachevé de la vie 

Rimbaud  

you lean into the night  

vague glory breath  

stirring within your skull  

carrying the moon  

far, far away 

the wave and violence itself  

unbind the utopia of colours  

in the hell of a season  

that pierces the bitter longing  

for a storm of signs  

when the alchemy of the book  

burns the dust  

of the eye wide open as it blinks  

already the swarms beyond  

howl in an instant 

crescendo and fugue and trill  

vowels freed  

from all measure  

relentlessly accelerate  

the rhythm of worlds 

you open the ancient temple  

to the voice of dream  

relishing a primal war  

whose spoken words  

mock the splintered ladder 

men of the past  

fat as idols  

trap your wind-laden soles  

on the banks of the river  

that drowns the drunken boat 

you transgress the rules of the game  

in the revolt of cadences  

arming the soldier’s leg  

and casting the ultimate shadow  

of illuminated letters 

you clutch inside your pockets  

maps folded here, torn there  

from Charleville, Brussels or Aden  

in search of the poem  

the unfinished poem of life  

Concerto 

A Christine 

par le hublot tu vois 

briller un ciel aussi beau 

que ceux de Tiepolo 

au sol dort un lac 

frêle aplat de bleu 

dolent appel au rêve 

au-dessus du monde 

tu écoutes un concerto 

pour hélice et silence 

l’avion vole avec douceur 

sur les nuages 

pour ne pas les affoler 

sur leur grand drap blanc 

tu distingues des chimères 

et un saint-honoré à déguster 

par un hasard de l’azur 

l’horizon disparaît 

la poésie le retrouvera 

Concerto 

To Christine 

through the porthole you see  

a beautifully shining sky  

as those of Tiepolo  

on the ground sleeps a lake  

a frail sheet of blue  

a plaintive call to dream  

above the world  

you listen to a concerto   

for propeller and silence  

the plane flies gently  

over the clouds  

so as not to disturb them  

upon their wide white sheet  

you discern chimeras  

and a Saint-Honoré to savour  

by a quirk of the azure  

the horizon disappears  

poetry will find it again  

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