Rimbaud
tu inclines la nuit
souffle de gloire vague
qui remue dans ton crâne
et emporte la lune
au loin au très loin
l’onde et la violence même
libèrent l’utopie des couleurs
dans l’enfer d’une saison
qui ajoure l’amer désir
d’un orage de signes
quand l’alchimie du livre
brûle la poussière
de l’œil ouvert au clin
des nuées déjà et d’ores
hurlent en un laps
crescendo et fugue et trille
les voyelles affranchies
de tout mètre
accélèrent sans fin
le rythme des mondes
tu ouvres le temple antique
à la voix du rêve
qui jouit d’une guerre primitive
dont les mots dits
narguent l’échelle fendue
des hommes de naguère
gras comme des idoles
engluent tes semelles de vent
sur les berges du fleuve
qui noie le bateau ivre
tu transgresses la règle du jeu
dans la révolte des cadences
qui arme la jambe du soldat
et projette l’ombre ultime
des lettres illuminées
tu serres dans tes poches
des cartes ici pliées là déchirées
de Charleville Bruxelles ou Aden
à la recherche du poème
du poème inachevé de la vie
Rimbaud
you lean into the night
vague glory breath
stirring within your skull
carrying the moon
far, far away
the wave and violence itself
unbind the utopia of colours
in the hell of a season
that pierces the bitter longing
for a storm of signs
when the alchemy of the book
burns the dust
of the eye wide open as it blinks
already the swarms beyond
howl in an instant
crescendo and fugue and trill
vowels freed
from all measure
relentlessly accelerate
the rhythm of worlds
you open the ancient temple
to the voice of dream
relishing a primal war
whose spoken words
mock the splintered ladder
men of the past
fat as idols
trap your wind-laden soles
on the banks of the river
that drowns the drunken boat
you transgress the rules of the game
in the revolt of cadences
arming the soldier’s leg
and casting the ultimate shadow
of illuminated letters
you clutch inside your pockets
maps folded here, torn there
from Charleville, Brussels or Aden
in search of the poem
the unfinished poem of life
Concerto
A Christine
par le hublot tu vois
briller un ciel aussi beau
que ceux de Tiepolo
au sol dort un lac
frêle aplat de bleu
dolent appel au rêve
au-dessus du monde
tu écoutes un concerto
pour hélice et silence
l’avion vole avec douceur
sur les nuages
pour ne pas les affoler
sur leur grand drap blanc
tu distingues des chimères
et un saint-honoré à déguster
par un hasard de l’azur
l’horizon disparaît
la poésie le retrouvera
Concerto
To Christine
through the porthole you see
a beautifully shining sky
as those of Tiepolo
on the ground sleeps a lake
a frail sheet of blue
a plaintive call to dream
above the world
you listen to a concerto
for propeller and silence
the plane flies gently
over the clouds
so as not to disturb them
upon their wide white sheet
you discern chimeras
and a Saint-Honoré to savour
by a quirk of the azure
the horizon disappears
poetry will find it again